Gauloise sans Filtre – Un Récit Émouvant par Joris Poupet

Gauloise sans Filtre – Une Histoire de Vie et de Courage

Du début à la fin de sa dernière minute de lucidité, morphinomane apaisé, elle fit le court chemin du salon où reposait son lit hospitalier gaufré, jusqu’à la fenêtre de la cuisine, traversant la salle à manger et son parquet dévitrifié. Même si le chemin était court au début, il devint rapidement au fur et à mesure des derniers jours, des dernières minutes, de plus en plus long, fatigant, escarpé, et jonché d’embûche par son manque d’équilibre et sa fatigue chronique. Ce périple, ce chemin qu’elle utilisa souvent pour sa bouffée quotidienne de nicotine, sa chère cigarette qu’elle a tant aimée et qui fût son dernier et unique plaisir, sa gauloise sans filtre, son petit paquet bleu au casque gaulois tout droit sorti d’une BD.

Ses traits adorables de femme devinrent de plus en plus fatigués, un air abattu de plus en plus important pris place, la maladie était là, plus vile qu’au début, qu’il y a plus d’une année.

Le tout dernier jour de son départ, elle demanda à son mari de l’accompagner jusqu’à la fenêtre de la cuisine. Les forces lui manquaient singulièrement, un pas seul était devenu difficile, imaginez une suite de pas. Accompagnée jusque-là, elle sortit de sa robe de chambre bleu ciel, son mouchoir et de son mouchoir un mégot de gauloise sans filtre qu’elle alluma délicatement tout en aspirant fortement dessus comme si c’était sa dernière bouffée, mais ce jour là, ce 13 février en fin d’après-midi, c’était la dernière fois qu’elle sortit de sa poche et de son mouchoir, une clope, un bout de clope à demi consumé, car dans la nuit du 13 au 14 février 2005, tôt le matin du 14 février, jour de la Saint-valentin, elle s’endormit pour toujours, l’unique voyage de sa vie.

Ce texte, comme vous avez pu le remarquer, n’était pas un texte comique, ni la parodie de Pierre DESPROGES, imitant son père atteint d’un cancer, mais la dure vérité, dure réalité de cette dame qui fût ma mère et qui n’avait plus que ce simple plaisir de fumer pour tenir la maladie durant les derniers jours de sa vie.

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